Quiconque a fait un tour en Ecosse, en Angleterre ou en Irlande a observé au gré de ses pérégrinations des dizaines d’ enseignes de pubs ou d' hôtels arborant fièrement une tête d’homme recouverte de feuillages.
La tête de feuilles ou plus communément appelé l’ Homme Vert (The Green Man) est une figure courante en architecture médiévale particulièrement dans l’ouest européen.
Incarnation vivante de la nature qui observe, qui se cache, qui se défend, l’Homme Vert est aussi la représentation parfaite du renouveau de la nature au printemps et de la fertilité.
D’intéressants parallèles ont d’ailleurs été effectués avec Robin des Bois, tout de vert vêtu, habitant au sein de la forêt et protecteur des faibles contre le pouvoir en place ou avec la légende arthurienne de Sire Gauvain et le chevalier Vert qui sera décapité tout en restant éternellement vivant (cf. l'excellent texte de R. de H. dans "Les Traditions d’Europe").
Cet Homme Vert m’a toujours fasciné!
Allégorie vivante d’un être sans âge, qui ne connaît ni bien ni mal, qui survit en toute circonstances, qui se cache tout en observant et à qui rien n’échappe.
Il est la nature à l’état brut en ce qu’elle a de fécond et de sombre, de puissance et d’obscurité.
Il peut apparaître à tout moment pour danser au cœur de la forêt avec la future reine de Mai comme rester immobile symbole vivant du temps qui s’arrête.
A titre personnel, j’aime le jardin à la Française, son esthétique végétale et sa statuaire, expression du classicisme et du bon goût ; mais nul homme vert dans ces parterres savamment taillés...
Non, l’Homme Vert est au cœur de la forêt, il est le côté obscur, puissant et mystérieux que nous avons chacun au sein de notre cœur caché derrière les conventions sociales, la morale et l’habitude.
Il est notre côté sauvage, sans concessions, rebelle, celui qui n'accepte ni faiblesse ni mollesse coutumes pourtant si "utiles" dans l'air du temps.
Chaque fois que je rentre en moi ou que j’observe attentivement certains amis proches, je perçois cet aspect farouche et ombrageux, cette fierté qui peut être impitoyable, indomptée et animale voire carnassière. Cette superbe que nous sommes pour certains constamment obligés de cacher.
Se cacher, ce que nous faisons tous, au sein d’un groupement social d’amis ou de collègues, de confrères ou d’associés.
Cacher son arrogance, cacher ses envies, ses appétits, ses désirs;
paraître simple et policée, raffinée et distinguée, être courtoise en toute circonstances, savamment coiffée et maquillée.
Mais au fond de moi, c’est le côté sombre qui prévaut.
Je ne suis pas la reine de Mai, je suis cette entité cachée derrière un feuillage d’hiver, je suis la nature orageuse, insaisissable et obscure.
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